lundi 15 juin 2009

La grosse vérité sale


Jeudi 11 juin 2009 * La Sala Rossa

Greg Davis et Chris Weisman sont sans doute fort gentils et pleins de bonne volonté; et leur musique n'est certes pas désagréable. Mais, voilà, c'est plus fort que moi. Quand j'entends autant de choses pré-enregistrées lors d'un spectacle, je ne peux m'empêcher de penser à la peinture à numéros. Avec leurs chansons un tantinet précieuses et leur prestation automatisée, Davis et Weisman donnaient l'impression de manquer de substance... Je suis donc plutôt content de voir que leur petit tour de piste ne dure que trois pièces, et je me réjouis en pensant que James Blackshaw est le prochain à monter sur scène.

Indécrottable romantique, le guitariste britannique soutire de sa douze cordes des harmonies angéliques, des mélodies aériennes portées par un subtil souffle épique; le folk anglais n'est pas loin, mais la musique baroque a elle aussi son mot à dire dans cet étalement d'émotions à petit grand déploiement. Mais, d'une fois à l'autre, ses envolées lyriques se répètent un peu. Le style de composition très classique de Blackshaw le limite un peu, et toutes les émotions chez lui finissent par se ressembler. Tant et si bien qu'au-delà de leur beauté indéniable (et fréquemment fulgurante), ses cascades de notes finissent par ne plus résonner là où il le faut. Véritable virtuose, Blackshaw mérite l'attention dont il fait l'objet; mais des collaborations comme le projet Brethren of the Free Spirit (avec Josef Van Wissem) le forcent à sortir d'une zone de confort à laquelle il se cantonnait ce soir. Joli, à défaut d'être parfaitement mémorable.

Mais la soirée allait prendre un tournant pour le moins majeur avec l'arrivée sur scène du ténébreux Michael Gira. Le C.V. du monsieur en dit beaucoup sur son importance: membre de Swans et d'Angels of Light, fondateur de l'étiquette Young God, dépisteur de talents au flair brillant. Sauf qu'il faut le rencontrer en personne pour saisir le calibre du bonhomme. Gira est le genre de gars auquel on obéit quand il demande, poliment mais fermement, que la climatisation soit coupée au plus sacrant. On ne lui en veut pas quand il reste sur scène avant son rappel, comme pour jauger la foule et se galvaniser des applaudissements qui fusent généreusement. Il est intense, et sa voix résonne d'une profondeur qui fait peur; ses textes tranchent la chair pour fouiller les replis les plus sombres de l'âme humaine. Comme croiser Nick Cave dans un nid d'opium tamisé, à New York en 1979. Il joue essentiellement des pièces nouvelles, qu'il n'a pas encore enregistré. Mais, déjà, on croirait qu'elles ont toujours été là - dans les ténèbres, attendant le moment opportun pour nous rappeler que nous sommes mortels, faillibles, corrompus.

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